Nombre d'histoires d'hommes commencent par: quand j'étais petit. Eh! Bien moi, quand j'étais petit je rêvais de peinture et de voitures. Aujourd'hui je réalise mes rêves, je peins des voitures.
Au début, je réalisais des aquarelles d'automobiles, en situation, saisies dans leur quotidien, et à travers elles je racontais une histoire, une histoire de voyage...
Peu à peu, les épaves du garage de mon oncle Mirgalet sont revenues en ma mémoire, et avec elles, moins direct, plus subtil, leur vécu, le poids de leur histoire.
L'épave a ce côté extraordinaire du voyage dans le temps, un voyage imaginaire, immobile, comme ceux que l'on fait dans sa tête. Quand on sait bien regarder, bien sentir et toucher, il reste à ces objets
encore un peu de chaleur, la vibration d'une âme. A travers le temps et l'espace ces carcasses ont véhiculé nos rèves et nos désirs. Elles sont le reflet de notre société et la projection de nous mêmes.
L'épave est aussi l'espace de la liberté retrouvée: délivrée de l'utilité, elle s'ouvre au champ de l'investigation; délivré de l'argent, elle cesse d'être l'objet de la convoitise de tous pour devenir disponible à la
création.
Je vois aussi dans mes épaves un paradoxe de notre temps: elles symbolisent la frénésie du monde dans lequel on vit - éclatement, casse, destruction. Elles matérialisent le vertige de la vitesse et la brutalité du
choc. Mais la casse c'est aussi le désordre, le retour de l'objet à la nature: c'est la métamorphose de l'épave, matière brute et l'âme et les rêves se concrétisent en "objet d'art".
Verrons-nous un jour des collectionneurs d'épaves, et des épaves dans les musées?
Ne sommes-nous pas nous mêmes les épaves de nos rêves?
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